Un engagement professionnel et bénévole sans faille pour la santé des enfants

Un engagement professionnel et bénévole sans faille pour la santé des enfants

écrit le 30.03.2022

Le transfert des enfants séjournant à La Maison nécessite une chaîne d’humanité et de compétences très complexe. La Maison de la Santé du Grand-Entremont à Sembrancher est un de ces maillons, indispensable et relié à d’autres tout aussi essentiels et engagés. Au sein de ce centre médical où se rendent en consultation les enfants de La Maison de Massongex, rencontre avec le Dr Denis Chevalley, médecin généraliste, et Françoise Theux, assistante médicale ; deux habitants d’Orsières fortement engagés professionnellement et bénévolement pour la santé des enfants de La Maison.

Dr Denis Chevalley


Depuis des années, c’est lui qui est à l’écoute des enfants de La Maison à Massongex et se charge de leurs soucis de santé du quotidien durant leur séjour en Suisse. A ce jour, après 26 ans d’engagement, il n’a pas encore trouvé la porte de sortie… nous confie-t-il.

Nous avons la chance de partager à La Maison un peu d’humanité en touchant à la misère d’un monde lointain qui, soudain, se rapproche.

Dr Denis Chevalley

Tout a commencé en 1982. Etudiant en médecine, Denis Chevalley découvre le service de chirurgie pédiatrique du CHUV lors de son premier stage hospitalier. Il y croise Delicia, une petite fille du Burundi, traitée pour de graves brûlures des extrémités et qui, par son sourire, l’adopte. Par la suite, il la retrouve pendant ses week-ends à Massongex et découvre ainsi La Maison. En 1996, il a l’opportunité de pousser une nouvelle fois la porte de La Maison comme médecin-répondant, après le retrait du Dr Diebold. Ce n’est que quelques années plus tard, et après la mise en place d’une nouvelle direction, qu’il entre dans le Conseil de fondation, soucieux d’apporter son expérience dans l’orientation et la pérennisation de La Maison. Aujourd’hui, bien que le gros du travail et la coordination avec les hôpitaux soient assumés par l’équipe infirmière efficace de La Maison, le Dr Chevalley rend visite aux enfants sur place à Massongex tous les jeudis pour des consultations. Il nous raconte les défis rencontrés et comment il perçoit l’avenir de La Maison.

Entretien Grégory Rausis – Eline Maager
Dr Denis Chevalley

Quels sont les principaux défis auxquels vous faites face lors de ces consultations ?

Denis C. : La chirurgie cardiaque pédiatrique n’est évidemment pas mon domaine de prédilection et je dois me reposer sur mes collègues hospitaliers pour les décisions importantes. Mes connaissances et surtout mon expérience limitée dans ce domaine m’imposent une bonne dose d’humilité lors de chaque prise en charge à la Maison.

Que retirez-vous des moments de consultation médicale que vous partagez avec les enfants de La Maison ?

Denis C. : Je reste toujours aussi étonné de leurs capacités à affronter la maladie, loin de leur aire de confort habituelle. Certains parleront d’une étonnante résilience.

Une anecdote ou un moment fort qui vous a particulièrement marqué ?

Denis C. : Il y a eu plein de beaux moments au long des années et des consultations. Je garde cependant des souvenirs lumineux des festivals organisés sur le site de Massongex et surtout des montées sur scène des enfants durant le spectacle : abîmés par la vie, ils savaient dans ces moments-là, une fois de plus, oublier leur handicap et tout donner…

Malgré les difficultés du monde où l’individualisme semble progresser, comment voyez-vous l’avenir de La Maison ?

Denis C. : Plusieurs générations de donateurs et de bénévoles ont participé au bon fonctionnement de La Maison. Notre défi est d’assurer le relais avec les générations suivantes que l’on semble décrire plus individualistes. Espérons qu’elles aussi nous surprendront…!


Françoise Theux, bénévole sur tous les fronts au service de la santé des enfants

Françoise Theux a rejoint la maison de la Santé du Grand-Entremont à Sembrancher en 2016 à son ouverture. Lorsqu’on pose la question à Françoise Theux comment et quand a débuté l’histoire entre elle et les enfants de La Maison, on réalise avec quelle intensité sa vie s’est intimement liée à celle des enfants de La Maison.

La Maison redonne foi en l’Homme.

Françoise Theux

Son histoire a commencé il y a très longtemps ; dès le début des consultations hebdomadaires du Dr Denis Chevalley à Massongex. Travaillant avec lui à son cabinet d’Orsières, elle croisait régulièrement le chemin des enfants qui venaient pour un examen médical complémentaire. Puis, en 2012, sa fille Iris a eu la chance et le plaisir de faire un stage de 6 mois à La Maison de Massongex dans le cadre de sa formation. Dans la foulée, en 2013, Françoise s’engage dans le comité de la section de Martigny-Entremont pour œuvrer comme bénévole pour La Maison. Son engagement et son attachement à La Maison et aux enfants qu’elle accueille ont créé des liens d’amitié très forts. Eclairage sur une femme engagée au grand cœur.

Vous êtes engagée auprès des enfants en tant que membre de la section des bénévoles de Martigny. Pourquoi cet engagement bénévole ?

Françoise T. : Par évidence et par reconnaissance. J’ai toujours aimé les enfants et être avec eux. Aussi, lorsque nos 2 filles ont grandi et pris leur envol, il m’a paru évident d’élargir mes horizons et de déployer mes énergies vers d’autres enfants. Être bénévole, c’est aussi une forme de reconnaissance à la Vie qui m’a fait énormément de cadeaux.

Françoise Theux à la maison de la santé de Sembrancher
Françoise Theux, bénévole engagée pour la santé des enfants de La Maison

Quel est le rôle de la section vis à vis de La Maison ?

Françoise T. : La section, formée d’un comité et de nombreux bénévoles, a un rôle de soutien non seulement financier, mais aussi participatif. Sous l’impulsion de notre responsable Fred Nouchi, nous voulons, par nos diverses actions, trouver des fonds pour soutenir la Maison : loto, Foire du Valais et autres actions ponctuelles. Et nous sommes aussi heureux de répondre présents lorsque la Maison a besoin de « bras » pour aider à l’organisation d’événements.

Dans quelles circonstances voyez-vous des enfants de La Maison ?

Françoise T. : Malheureusement, ces temps de pandémie qui restreignent les contacts nous obligent à faire extrêmement attention. Je les côtoie actuellement plutôt dans le cadre de mon travail à la Maison de la Santé à Sembrancher.

Le nombre d’enfants pris en charge par La Maison est toujours important et les besoins semblent infinis. Comment garder la motivation à œuvrer comme bénévole ?

Françoise : Justement en sachant que les besoins sont infinis. Cela nous motive encore plus. On se dit que ce n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan mais elle existe. On l’a vu en ces temps de pandémie où l’on a dû annuler presque toutes nos actions. Toute l’équipe est frustrée, on ressent le manque. On est tellement impatients de pouvoir œuvrer à nouveau. La motivation vient aussi du fait que l’ambiance dans l’équipe est vraiment formidable et que chaque membre, selon ses qualités, fait du mieux qu’il peut.


Denis et Françoise: regards croisés

Que représente La Maison pour vous ?

Denis C. : Un lieu privilégié, unique, en nos terres. Nous y avons la chance de partager un peu d’humanité en touchant à la misère d’un monde lointain qui soudain se rapproche. Elle est aussi l’un des aboutissements des multiples engagements d’Edmond Kaiser dont j’ai lu une bonne partie des écrits et que j’admire beaucoup.

Françoise T. : La Maison, c’est le symbole de la vie, de la solidarité, au-delà de toutes races et religions. La Maison redonne foi en l’Homme. Tout un formidable réseau d’énergie, de talents, de savoir-faire, de savoir-être, de don de soi, de charisme, de dons, qui se construit chaque jour pour la Vie, au service des enfants, pour combattre l’injustice, l’inégalité et la maladie. C’est bouleversant et très beau.

Dr Denis Chevalley engagé pour la santé des enfants
Consultation du Dr Denis Chevalley à l’infirmerie de La Maison

Que retirez-vous de votre engagement bénévole ?

Denis C. : J’avais entrepris des études de médecine pour m’approcher de ce que l’on nomme encore le « tiers-monde ». Les aléas de la vie m’ont amené à rester en Suisse, avec la chance immense de pouvoir m’engager bénévolement pour les enfants d’Afrique, ici, dans ce petit coin retiré du Chablais.

Françoise: Cet engagement bénévole auprès des enfants donne un sens à ma vie. J’en retire tellement de joie. Ce qui me touche le plus profondément, c’est le courage de ces enfants, c’est leur capacité à s’adapter à des personnes inconnues, c’est la lumière dans le fond de leurs yeux. Sans oublier de compatir au stress des parents qui attendent loin de leur enfant. Et tout cela me rend humble et franchement admirative.

A votre avis, qu’est ce qui rend La Maison unique ?

Denis C. : La concentration d’enfants avec des pathologies sévères, loin des structures habituelles hospitalières, est étonnante, surprenante pour bon nombre de professionnels, et rend La Maison unique.

Françoise T. : C’est sa mission, son but : le secours à l’enfant et le droit à la Vie. C’est tout ce réseau de bonne volonté et de bienveillance au service des enfants gravement atteints dans leur santé, que ce soit sur place, dans les pays d’origine des enfants, ou ici, pour l’accueil et les soins.

Que ressentez-vous vis-à-vis de la grande solidarité autour des enfants de La Maison ?

Denis C. : Une solidarité forte, locale, cantonale et élargie souvent à la Suisse, qui dure depuis bientôt 60 ans, et qui est assez inhabituelle et remarquable.

Françoise T. : Une grande admiration. On dit que notre société devient de plus en plus égocentrée, individualiste, mais quand on prend conscience de toute cette énergie positive et constructive, cette chaîne de solidarité au service du plus petit, on se dit que l’humain est vraiment capable de choses extraordinaires lorsqu’il sait ouvrir son cœur et offrir ses compétences.

Michel, 3 ans, souffrant d’une cardiopathie, est l’un des nombreux enfants de La Maison que Françoise et Denis soutiennent par leur bénévolat.

Un message aux enfants de La Maison ?

Denis C. : Gardez en vous, toute la vie, ce qui vous a renforcé dans la maladie et sachez, après votre retour au pays et dans la mesure de vos possibilités, être les ambassadeurs de cette solidarité que vous avez appris à connaître en Suisse.

Françoise T. : A toi, petit, qui viens d’arriver, à bout de souffle, d’un horizon si lointain et différent, à toi qui vas prochainement subir un lourd traitement ou une intervention, à toi qui reviens à La Maison après un plus ou moins long séjour à l’hôpital, à toi qui te requinques au contact des autres enfants à La Maison, à toi qui vas bientôt repartir chez papa-maman avec une énergie nouvelle, sache que ton courage et ta force sont remarquables et indispensables pour que ton lendemain soit meilleur.

Un message aux lecteurs de ce journal ?

Denis C. : Comme beaucoup, j’ai appris au long de ces années que le plaisir de donner est bien supérieur à l’assouvissement de la plupart de nos désirs individuels.

Françoise T. : Vous tenez dans vos mains, un concentré d’émotions. Emotions à la lecture de l’éditorial qui, chaque fois, nous plonge dans la réalité de La Maison, avec ses espérances, ses vœux, ses besoins, ses difficultés, ses soucis et ses bonheurs. Emotions au fil des pages, à la lecture des intervenants, des infirmières, des médecins, des équipes de soins, avec leur message poignant et touchant. Emotions aussi à la vue de toutes ces photos d’enfants qui sourient, qui jouent, qui luttent, qui étudient, qui vivent malgré leur lourd handicap santé qui souvent ne se voit pas. Emotions enfin à la lecture de toutes ces tranches de vie, de ces combats, de ces destins basculés, de ces récits de retour dans les familles. Faisons connaître encore plus largement La Maison en parlant d’eux et en les soutenant. Ne lâchons rien !

Dr Denis Chevalley engagé pour la santé des enfants
Dr Denis Chevalley et Carlos Gutierrez, chef infirmier à La Maison, soignent un jeune pensionnaire à l’infirmerie